La fille d'Alice
[En illustration, une oeuvre de Susan Seddon Boulet]
C’est une fille aux yeux de biche
Traquée sans trêve, elle volte et défriche
C'est elle qui tient la herse
Sillonnant mes tourments
De sa paume large et lisse
Elle a survécu en ouvrant grand
Cette porte qu’il fallait ignorer
Là-bas
Dans le noir de mes pensées
Elle a rué dans l’inconscient
Et l’espoir d’une vie
Sans faux-semblant
Quand je me retrouve à m’appliquer
A tracer de jolis traits
A gommer langue tirée
Les douloureuses aspérités
Elle vient me tirer par la main
Elle m’entraîne dans le grand bain
Celui que j’ai voulu éviter
Morte née
Elle est belle, rousse et libre
La fille née des livres
Elle a cet œil un peu abîmé
De ceux qui regardent dans la fosse
Avec le courage des cabossés
Je veux
Bon dieu je veux oui la transmettre
La fille née des lettres
Qui a sous les doigts la peinture du cœur
Et des mots les couleurs
Amour et noir, éclaboussures
Amère et rouge armure
Je veux m’aider à l’accoucher
Qu’elle vive qu’elle vibrillone
Vrille libre et bouillonne
Qu’elle soit femme et brouillonne
La fille qui martèle
Le plancher grinçant de mes rêves
Encore et encore
Jusqu’à ce que je comprenne.