au Bujo !
La semaine a laissé des traces, fatigue diffuse, intellectuelle autant que physique. Un microbe hivernal s'est invité et me donne à voir le monde à travers un voile, j'entends des sons étouffés, et je me sens mi-frissons mi-glaçons. Bref, décembre.
Devant moi, une trousse en cuir crasseux dégorge ses crayons aux couleurs vives et un feutre noir. J'ai relégué les cahiers à petits carreaux sur les étagères déjà bien encombrées de mon bureau. Et j'ai commencé un "bujo", un bullet journal - une sorte d'agenda fait maison. 3 semaines que je m'y tiens, que je crayonne et colorie, que j'organise et que je coche (passer à la bibli : fait ! tel assurance : fait ! aller chercher sapin de noël : à faire si neige a fondu etc). C'est très satisfaisant, cela donne une impression grandiose de maîtrise du temps et pis le coloriage sans dépasser, il y a longtemps que je n’avais pas pratiqué. Toute à l’esprit de Noël je crayonne ici et là quelques étoiles, cadeaux enrubannés, c'est choupinou comme tout. Et ça détend.
J’ai attaqué des listes, aussi. Les bujotteuses –heu oui c’est surtout une activité féminine, enfin sur youtube j’ai pas encore vu un gars faire un tuto pour montrer comment qu’il sait faire des calendriers tout beaux. Cliché, j’avoue mais vérifié – les bujotteuses, donc, ont la passion des listes. Liste des livres lus, liste des livres à lire (la PAL, la Pile à Lire – plus elle est haute et mieux ça fait) liste des films vus, des films à voir (la FAV ??) liste des courses, listes de trucs à faire (la TDL, la « to do list » car la bujoteuse aime aussi se la péter en anglais), liste des anniversaires, listes à la Prévert …). Donc, je note les bouquins que je lis. Mois par mois. Une vingtaine pour novembre et pour l’instant 5 en décembre. Vous excitez pas, il y a pas mal de littérature jeunesse dans le tas donc vite lus. Et mignon tout plein. (bon pour compenser j’ai tout de même lu Sharko de Thilliez, bien glauque, à la Grangé). Cela donne une idée de mon temps, partagé entre le boulot, les bouquins et le bujo.
…mais …fichtre on se refait pas, et tout ce rouge et vert étoilé va finir par me rendre dingue. Je me dis que je vais me faire une double page d’inspiration Burton pour contrebalancer le trop de pastel. Et puis… il y a la place à garder pour la baba. Là j’avoue que je n’ai pas tenu mes résolutions de septembre (y consacrer une partie de mon vendredi aprem chaque semaine). Du coup, là je sens que « ça s’agite » un peu …le marais, la boue, ça remonte le courant et vient clapoter jusque sous mon oreiller, mes rêves me rappellent à moi-même. C’est régulièrement ces jours-ci que je reviens à la vieille maison, isba métaphorique trans-générations. Cette nuit il s’agissait d’en partir, mais la voiture trop chargée recrachait certains objets, dont un plateau ancien de jeu de petits chevaux … message limpide, laisser au marais ce qui est au marais, laisser au passé ce qui est au passé. Mais le marais est mien, et ce n’est pas en visiteuse que j’y reviens. J’y existe. Ce n’est pas dans des cases coloriées en rose et vert que j’habite. Mais devant la rivière, sous les branches nues des bouleaux, dans la cabane où je me suis retranchée pour écrire et rêver.
Un chant de Noël - La Drôle D'Humeur D'Alison Wheeler