La tombe s’est ouverte et j’ai croisé les doigts
Pour que remontent ceux que je croisais autrefois
Quand écrire scarifiait mes journées
Quand j’étais ivre
Et me donnais
Sur le pont du bateau j’ai croisé des aurores
Cinglantes et chamarrées
Je me suis crue invincible
Enfin nue
J’ai dansé sur des airs nouveaux
Dont les vers sinuaient sous ma peau
La vapeur nouvelle m’était montée à la tête
Devant moi le sol ouvert m’avait promis
Des chutes exemplaires
Des cryptes ensevelies
J’ai vomi plus bas que terre
Les épaules secouées de sanglots
J’ai frappé ma tête contre les murs de la cage
Ravagée par l’orage
J’ai hurlé en griffant l’invisible et j’ai eu mal
Des spirales dorées m’ont enlevée
J’étais là j’étais ailleurs
Auprès des morts et des spectres
Vivante enfin d’un orgueil immense
J’ai bavé les scories d’un rêve inavouable
Léché le goût suave
De la tristesse et du silence
J’ai senti enfin gonfler ma chair
Fouillé la boue à m’en ouvrir les paumes
Mes ongles grattaient la plaie jusqu’à voir
Le sang couler
Epais et noir
La tombe s’est ouverte et j’ai monté les marches
J’ai vécu clandestine sur le crêt d’une étoile
Ecoutant la rumeur de villes lointaines
Et sous les voiles
Le murmure des fontaines.
[illustration : "dreams" ; Di Oliver ; site ici]