Effroi
[illustration : Brooke Shaden ; site ici : http://brookeshaden.com/about/ ]
Ces derniers jours ont été rudes
J’ai prié alors que je ne crois pas
Je voudrais retrouver les eaux tiédies du marais,
Arracher les ronces
A m’en ôter la peau des mains
Scarifier mes peurs en chemin
Laisser glisser hors de ma bouche
Les mots d’angoisse
Le bruit sournois des mouches
Mon corps se ratatine sous la couette
J’ai froid
Pourtant la fenêtre est ouverte
Sur un soir d’été
Et dehors, au-delà des collines,
Le monde continue de tourner
Je voudrais retourner dans la matrice
Matriochkas emboitées
Redevenir la matrice
Mères et filles fusionnées
Couvées et protégées
Ces derniers jours ont été rudes
Mettant à mal mes convictions
-et si nous t’avions enfermée attachée remisée
A l’écart de la vie des brouillards et des cafards
L’aurait-il fallu,
L’aurions-nous pu ?
Je sais bien que non,
Pardon
Je te vois si belle, jeune fille,
Femme en devenir,
Il m’est tellement plus facile de gerber un noir de pacotille
Ces derniers jours ont été rudes
Je tourne autour de mon angoisse
Comme autour d’un cratère fumant
La peur moche et bien dégueulasse
M’étreint en spasmes encore puants
Je la sens dans mon estomac serré au petit déjeuner
Dans mes frissons un soir d’été
Le grand retour de l’anxiété
Qui m’épuise
J’ai pourtant bien marchandé
Jurant que jamais plus je ne me plaindrai
Les derniers jours ont été rudes
Et je remonte en tremblant la voie du marais
Je cherche dans ses flots tièdes et noirs
La dérive au désespoir
La fenêtre est entrouverte sur la nuit
J’entends grignoter dans les murs
Ses invisibles créatures
Je retourne au marais
Puisque je ne peux pas te reprendre dans la chaleur de mon ventre
Il parait que c’est ainsi
Et que c’est la vie
Puisque aimer c’est laisser
Je reviens m’allonger sous les racines
Offrant mes flancs à leurs caresses creuses
Et serrant la bassine
Ces derniers jours ont été rudes
Mais nous les avons traversés
Je vais enfermer quelque part dans l’isba
Le froid
L’effroi
Mes peurs
Pour toi
Je vais tirer un vieux coffre de sous la fenêtre
Et sous de vieux châles de laine mités
Je planquerai mes angoisses
Jusqu’à la prochaine fois.