Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'isba de la Baba Yaga
L'isba de la Baba Yaga
Publicité
L'isba de la Baba Yaga
requête

Ami visiteur, si tu consacres un peu de ton précieux temps à lire mes débordements, laisse donc une petite trace de ton passage...un comm, un clic-claque sur l'icône fb ou sur le babaromètre au bas de l'article...
Derniers commentaires
salute ! un peu de couleur ...

_


 

 

...et de musique ...

HF_Thiefaine_2

HFT
Archives
Visiteurs
Depuis la création 10 173
Niouzelette

une_maison_isolee_isolated_house_nature_mogwaii_46

A la demande générale de heu... une personne, vous pourrez, amis lecteurs,  suivre l'actualité de la baba grâce à la niouzelette ( abonnement juste en dessous, bande de crétinous !) : plus rien de ce qui se passera dans l'isba ne vous sera étranger ! ainsi vous serez informés en cas de rupture de stock de chartreuse, de rupture de neurone babayaguin, de rupture de ton, de rupture de ban, de rupture d'Anne et Vrisme etc.  
Newsletter
1 abonnés
29 mai 2014

Autoportrait à la fenête cassée

maison_sorci_re

 

La chambre a été verrouillée depuis longtemps et le volet grince en s’ouvrant. L’escalier extérieur que mes pas connaissent par cœur, comme tout ce qui touche à cet endroit où je ne cesse de revenir ces temps-ci alors même qu’il est disparu, le froissement discret de la vigne vierge dans le crépuscule, le souffle froid du vent, le parfum mystérieux des bois alentour, sont partie intégrante de mon être, depuis toujours.

Au réveil j’aurais voulu pouvoir monter encore les marches, laisser ma main courir sur la peinture écaillée de la rampe, promise chaque été à un  ravalement chaque fois différé. Il m’est si étrange que ce lieu que est en moi, que ce lieu qui est moi, ne soit que songe et souvenir. Lorsqu’il ne se manifestait que de façon épisodique, j’en revenais endeuillée, éprouvant dans la poitrine un manque incompréhensible, la douleur de la perte, tenace et vive. Ces temps-ci, il me hante, à moins que ce ne soit l’inverse. Toutes les 3 ou 4 nuits je me retrouve soit dans la cuisine, sous la lampe ronde éclairant la toile cirée, partageant des conversations que j’oublierai, soit là-haut, dans la chambre mansardée. Je suis moins en peine du retour car je sais qu’il n’est que temporaire et que j’habite pour toujours cette isba des origines.

J’écarte le volet rouge et le crépuscule éclaire alors une vision saisissante. La pièce dégage une atmosphère d’abandon, dans les deux sens du terme : des objets traînent au sol, comme si on venait de les y laisser, mais le plancher s’effrite, une ou deux lattes brisées laissent passer la lumière qui monte de la cuisine, et les voix. Prudente je reste sur le seuil, mais je me vois dans le haut miroir sur le mur du fond. Le volet droit de la porte se s’ouvre pas en plein car la rambarde de l’escalier l’en empêche, plongeant ainsi dans une ombre plus dense une moitié de la glace. Mon reflet forme la bissectrice du triangle isocèle dessiné par les pentes du toit. Il m’est arrivé si souvent, enfant, de passer « de l’autre côté du miroir » : juste derrière se trouve le grenier, amoncellement d’objets morts et de trésors. Et peut-être d’autres choses encore, pas si mortes puisqu’elles trouvent le chemin de mes rêves. La lumière du crépuscule compose un tableau fantastique : le plancher défoncé et encombré, le lit à droite,  et moi comme un spectre flottant sur cette irréalité, la chemise rouge que je porte en surimpression sur le bois sombre du sol et les murs nus.

J’éprouve alors le désir de fixer cette vision. Alors que j’ai une aversion pathologique pour ma propre image, là pourtant je me reconnais, même si l’obscurité empêche de distinguer mes traits, silhouette flottant dans l’ombre d’un décor passé.

Mais le songe ne tourne pas comme je le voudrais. Je redescends à la cuisine prendre mon téléphone. La lumière s’évanouit peu à peu dans les sapins, envoyant un dernier dard rougeoyant de la vitre au miroir, j’ai beau tapoter l’écran tactile, impossible de trouver l’icône de l’appareil photo et je me retrouve projetée hors de cette réalité, brusquement, un réveil bourbeux qui me laisse démunie.

Je ne peux pas retrouver la photo jamais prise. Je n’ai pas les moyens de représenter cette image pourtant si proche de ce que je suis. « Autoportrait à la fenêtre cassée », il ne me reste que les mots pour essayer de ne pas me perdre.

Je n’en suis pas satisfaite.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité