ici et sur les tombes
Des larmes de fougère
Me coupent toute entière
Glissante sans âme
Gisante et infâme
Un nœud sanglote
Dans ma gorge un ruban rouge
Dévide sa pelote
Je piétine en silence au fond d'un jardin immobile
Dont les feuilles factices
Tracent sur mes joues
Des lacets vibrants d’ombres pourpres
J’aimerais disparaître
Au fond du temps
Des larmes de fougère
Me coupent toute entière
Gisante sans âme
Glissante
In – femme
J'ai posé ma tête sur l'épaule d'un rêve
Je rêve que je m’éveille
Sur un tempo tendre et lent
Par la fenêtre je sens la nuit nouer les ombres
Ici
Et sur les tombes
Du petit cimetière
Amours sans prières
J'appelle sous les cendres
Des larmes de fougère
Me coupent toute entière
Gisante sans âme
Glissante
Infâme
Ma gorge pelote un nœud sanglant
Je piétine en silence
Au fond d'un jardin gris
Fleurissent des peines
Sur mes joues rougies
Les épines tracent des lacets surprenants
Des larmes de fougère
Me coupent toute entière
Gisante sans âme
Glissant ma peau de femme
J'ai posé ma tête
Sur l'épaule d'un rêve
Je rêve que je m éveille
Sur un tempo tendre et lent
Par la fenêtre je sens
La nuit qui s'effondre
Ici
Et sur les tombes
Dans mon poing déplié
S'étirent en guirlandes végétales
Des vers secrets
Aux plaintes abyssales
J'écris comme on compose
Ma langue malhabile
Explore quand je l’ose
Des couplets obscurs
L’odeur est douce
Sous les fougères sures
Je rêve d’un rêve
Qui lui-même est un songe
La selkie a laissé sa peau bruissante
Sur la rive errante
Celle qui lasse errante
Rêve d’un rêve
Lui-même le songe
D’un songe
Par la fenêtre j’entends
Gémir la nuit qui tombe
Ici
Et sur les tombes.
[illustration : une oeuvre de Motohiko Odani ]