Le Cognassier /partie 2 : "vers la silhouette de l'arbre-gibet"
[image http://france.jeditoo.com/Paca/luberon/bonnieux.htm#la-louve ]
L’arbre se tordait à la limite du terrain, là où l’herbe n’était que très rarement fauchée. Là où sûrement proliféraient des bêtes et des serpents. Des coings trop mûrs tapissaient le sol et leur odeur surette lui revenait encore, des années plus tard.
Bien plus tard.
Il avait ramassé l’un d’eux, croyant porter une pomme à sa bouche et de surprise s’était mordu la lèvre inférieure. Le goût du sang s’était mêlé au goût du fruit et pour toujours à sa mémoire. Une corde effilochée pendait de la branche maîtresse, laissée là pour une raison qui lui échappait à l’époque. C’était une de ces cordes de travail, épaisse, raide, lourde. De ses mains malhabiles il l’avait nouée sur elle-même et avait hissé son corps maigrelet dans la boucle ainsi formée. Il suffisait de se lancer légèrement en arrière et la corde prenait un ballant régulier, hypnotique, la seule balançoire qu’il eût connue. Les heures semblaient passer différemment et l’espace se rétracter autour du cognassier. Ne restaient plus qu’un corps de gamin en équilibre sur un agrès improvisé, la tête dans le feuillage, et le parfum des fruits à demi pourris.
Il avait cherché dans le dictionnaire et s’était amusé des sonorités du nom de l’arbre, le cognassier, presque la saveur d’une injure, comme un mot interdit à ses oreilles d’enfant. Il s’était imaginé le dire, j’ai joué sous le cognassier, savourant la nouveauté du mot et de la chose, le roulant sous sa langue comme une friandise, jouissant du souvenir du jeu. Puis, de « cognassier » était venu « cogner » et là, ce n’était plus si drôle, il mordait dans son poing serré de rage et ne disait plus rien du tout, le regard perdu vers la limite du jardin, là-bas, vers la silhouette de l’arbre-gibet.
Pour lire la partie 1 c'est
chez l'ami March Hare : Pourquoi un corbeau ressemble-t-il à un bureau (bandersnatch. canalblog)
Pour tout lire depuis le début (bon pour l'instant y a que 2 pages hein, mais contrairement à ses congénères, notre cognassier centenaire va s'étoffer à l'automne ! ) ,
c'est ICI,
dans la rubrique Le Cognassier nouvelle à 4 mains .
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