Glace à la morosité
Le vent de cette nuit a couvert les traces du petit rongeur.
Hier soir, en sortant sur la terrasse j’avais remarqué ce délicat alphabet, cursives à peine visibles, traçant leur secrète conversation depuis la haie jusqu’au prunier.
Il n’a pas neigé cette nuit mais le vent a balayé l’ardoise, remettant la neige à neuf. Pas de visite matinale, je suis à nouveau seule. Les collines déploient leur masse en noir et blanc, j’ai tellement pris de photos depuis la semaine dernière que j’ai l’œil usé. J’aimerais un peu de couleur pour changer ! Ou bien avoir les doigts du peintre, être capable de croquer ce paysage glacé, sorbet étouffant l’horizon solitaire.
À défaut de doigts version HB, j’ai toujours mon clavier. Mais là aussi, c’est neige… celle qui envahi l’écran lorsque se taisent les bavards fatigués. Je me dis que je ne devrais pas me forcer. Laisser venir. Ce qui vient c’est cela : un horizon bouché, et la burle qui soulève toujours les même monticules givrés (oui, y a de la métaphore par-là, limpide toutefois).
J’en ai un peu assez d’empoigner la pelle. Demain ce sera rebouché.
Alors je reste assise dans le froid, à imaginer où est partie la petite bête, celle qui a laissé son empreinte dans ma tête.
Hubert Félix Thiéfaine - Les Ombres Du Soir (audio)