Sépulcre
[Edvard Munch, Bohemian forest ]
Je suis un écrivain sans livre
Sur ma tombe je veux qu’on l’inscrive
Creusez profondément
Pour que mes mots ne remontent le temps
Que mon cercueil soit cloué
En lettres ornementées
Et pour parer ma vacuité dernière
D’enluminures tissez le suaire
Je suis un ivrogne qui a brisé son verre
Vidé les quatre fers
Laissez-moi donc à terre
Abandonné sur le pavé
À regarder les mots fuiter
Sur ma tombe je veux qu’on répande
Le sirop clair
De mes nuits sans offrande
Je suis un épicurien sans chair
Les murs de ma psyché
Festonnent en barbelés
Ecoutez parfois le vent
Pousser le vide
Sur mes tourments
Sur ma tombe je veux qu’on dîne de viandes rouges
Que l’on festoie
Que l’on se touche
Je suis une bête sans instinct
Née trop tôt à l’humanité
J’ai survécu par habitude
En niant les appétits trop rudes
De mon cerveau reptilien
Quand les maillons de la chaîne
Rouilleront dans la terre
Et que nul ne se souviendra
De qui gisait entre leurs bras
Fermez la porte de la niche
Sur mes frayeurs de godiche.